Face à la catastrophe de Guachupita : un membre de l´organisme conseiller de l´ONU propose des politiques sociales de logement
La population de République Dominicaine est choquée par la mort de huit personnes, dont six enfants, à Guachupita, quartier nord du District National. Les pluies torrentielles de l´ouragan Gustav ont entraîné l´effondrement de plusieurs maisons, causant la mort de leurs habitants.
Des études indiquent que 75 % des logements du pays sont construits par les habitants eux-mêmes (autoconstruction ou production sociale). Ces derniers se chargent également d´installer une partie des infrastructures et des services communautaires. Mais 44 % des ces logements sont fragiles et peuvent être améliorés. C´est pourquoi l´on assiste à des tragédies, telle celle, récente, survenue à Gualey, où au moins huit personnes ont trouvé la mort dans l´effrondrement de leur maison causé par les pluies. En investissant moins de la moitié de la somme injectée par l´Etat Dominicain dans les banques en faillites en 2002-2004, l´on pourrait résoudre la situation de ces logements précaires à l´origine de catastrophes comme celles ci, fournir les titres à une grande partie des familles qui ont construit sur des terrains privés ou étatiques et prévoir une aide pour les futurs noyaux familiaux.
Ces informations nous viennent de Pedro Franco, membre, désigné par l´ONU, de l´Advisory Group on Forced Evictions de UN-HABITAT (UN-AGFE), groupe consultatif sur les expulsions forcées. C´est lui qui a proposé à l´État Dominicain d´instaurer des politiques sociales de logement et de droit à la terre, afin de permettre aux communautés situées dans des zones dangereuses de se reloger. Ces mesures seront prises dans le respect de l´article 11.1 du Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels et des Observations Générales IV et VII du Comité sur les Droits indiqués par le Pacte.
Il a mentionné qu´une étude réalisée par l´Alliance Internationale des Habitants en 2007 sur la faisabilité de la création d´un Fonds pour le Logement et la Terre en République Dominicaine et au Pérou, a fait état de situations marquantes et a tiré des conclusions intéressantes. Quelques unes d´entre elles sont mentionnées ci-dessous :
- Un investissement sur dix ans, équivalent à 4,4 % du PIB, permettrait de combler le manque de logements, actuellement supérieur à 800 milles unités habitationnelles, de solutionner le problème des logements précaires, qui concerne 40 % des familles qui payent un loyer et, surtout, de donner des titres aux millions de familles qui vivent dans l´insécurité et sont victimes d´expulsions.
- L´étude indique que l´État n´a pas à apporter la totalité de ces 4,4 % et encore moins l´offrir aux familles. Cependant, elle reconnaît que, étant donnée la situation de précarité, un certain nombre de bénéficiaires, estimé au maximum à 10 %, devrait recevoir une subvention.
- L´étude précise que, en Dominique Républicaine, c´est le secteur de la production sociale de logements (producteurs informels) qui construit la plus grande partie des logements, étant donné que les banques et le secteur immobilier n´y contribuent qu´à hauteur d´à peine 5,2 %.
Les politiques sociales de logement ne peuvent pas se reposer sur le secteur immobilier
Le membre de UN-AGFE explique que, lors du discours prononcé le 16 août dernier, le président de la République, M. Leonel Fernández, a reconnu pour la première fois que le logement était une politique sociale nécessaire dans le développement et la modernisation du pays : « Le logement est un bien fondamental pour l´être humain dès sa naissance. Il a été le grand absent des discours que les partis et les présidents, dont M. Fernández, ont prononcé lors d´évenements et de sommets internationaux ».
Il précise qu´il est nécessaire que l´investissement étatique dans le logement serve directement à stimuler le secteur de la production sociale de logement, qui produit 75 % des logements. Cette subvention permettra de réduire les 44 % de logements fragiles, de créer des logements sûrs pour les nouvelles familles et de fournir des titres à la majeure partie des familles qui vivent aujourd´hui dans l´insécurité. C´est ce problème de titre qui entraîne de nombreuses expulsions forcées, ce qui, sur le plan international, donne une très mauvaise image du pays, quand les droits des pauvres gens ne sont pas respectés.
Initiatives qui doivent servir d´exemple
Il indique que « ces dix dernières annés, dans le pays, une série d´initiatives communautaires a été mise en place. Elles étaient promues par des institutions non gouvernementales telles que Ciudad Alternativa, Centro Montalvo et CEDAIL et par divers réseaux internationaux tels que la Coalition Internationales de l´Habitat (HIC), l´Alliance Internationale des Habitants (AIH). Il est nécessaire que l´État connaisse et étudie ces initiatives et ces propositions car elles sont, en réalité, des modèles expérimentaux pilotes qui permettent d´entrevoir les perspectives d´instauration des politiques sociales de logement et de droit à la terre, nécessaires pour le pays. »
Parmi ces initiatives instaurées par les communautés, il souligne les suivantes :
La proposition du Plan Cigua élaborée par CIUDAD ALTERNATIVA. C´est la solution pour les familles vivant sur les rives des fleuves Ozama et Isabela. La proposition de loi sur le logement de la RED URBANO POPULAR et de la COOPHABITAT. Cette dernière, en plus de créer un ministère du Logement, de l´Habitat et des Bidonvilles, prévoit : la création d´un Fonds National tel celui déjà en place en Uruguay depuis 1968, qui puisse garantir l´investissement dans les logements sociaux, l´accès à la terre et le titrage du logement à la grande partie de la population démunie qui vit dans l´insécurité.
Créer un cadre pour favoriser le coopératisme relatif au logement, tel qu´il existe déjà dans les lois de nombreux pays tels que le Mexique et l´Uruguay. Ce cadre réglementerait l´application du crédit et de la subvention de l´État, de telle manière que les familles qui en bénéficient ne puissent pas l´utiliser à des fins commerciales, comme ce fut le cas dans le passé. Le logement doit être destiné à la famille et reste propriété de la coopérative ; il ne pourra pas être vendu, loué ou négocié. Il représente une solution définitive pour les familles, leurs descendants ou ascendants.
Réorienter le rôle de la Banque Nationale pour le Logement, qui doit être destinée au logement et à la terre. La définition actuelle de « banque pour le logement et la production », n´indique pas clairement au secteur publique, la transcendance et l´urgence des politiques sociales du logement.
La création de la Coopérative de Production Sociale du Logement, COOPHABITAT, la première à promouvoir le modèle de projets prôné par les coopératives de logement par aide mutuelle. A travers ces projets, les communautés fournissent la main d´oeuvre et, grâce à des crédits et des donations, elles réalisent un projet habitationnel en construisant des logements qui ne peuvent être vendus, loués ou négociés. Ceci représente une solution à long terme pour les familles.
Le premier projet de logement de ce type a commencé dans le secteur de Villa Esfuerzo, dans la municipalité de Saint-Domingue Est. Il concerne 77 familles, expulsées par l´agence immobilière Esperilla Land, propriété des familles Porcella et Elmuesí entre autres. Elles reçurent les terres du CEA en 1997 durant la loi de Capitalisation.
Une délégation de AGFE ONU, menée par le Coordinateur mundial, M. Yves Cabannes, était présente dans le pays lors de l´expulsion de ces familles. Elle a ouvert le dialogue entre les institutions de l´État (Pouvoir Exécutif, Mairies, Chambre de Députés), la société civile, la communauté et la famille Porcella, et ils sont parvenus à l´accord de relogement.
La famille Porcella, menée par M. Enrique Porcella et Pedro Elmuesi, n´a pas respecté ces accords et n´a pas délivré les titres des terres et l´État n´a pas assigné les fonds nécessaires. La communauté a, en conséquence, formé la COOPHABITAT et a commencé un processus de formation et de travaux préliminaires. Pour ce faire elle a suivi les conseils de la Fédération Uruguayenne de Coopératives pour l´Aide Mutuelle, pionnière de ce modèle sur le contienent, du Centre Coopératif Suédois et de l´Alliance Internationale des Habitants. Ces derniers ont fourni les bases permettant de commencer les travaux.
Le secteur privé doit apporter la solution
Le lien traditionnel entre le grand capital privé et l´État a permis non seulement au secteur privé d´entrer en possession des meilleures et des plus grandes parcelles de terres du pays, mais également de créer des situations qui, aujourd´hui, mettent en relief la crise et l´incapacité publique à fournir une solution.
Cependant, la propriété de la terre est une véritable impasse qui empêche de résoudre la problématique du logement. Preuve en est la situation dans laquelle la famille Vicini maintient les résidents de la zone nord du District National. Elle leur empêche d´améliorer leur logement précaire. On estime qu´environ 70 % des habitants du Distrit National et de la province sont dans la même situation. Quant à la région sud, il suffit d´aller de San Cristobal jusqu´à la frontière pour que quelqu´un prétende posséder les titres de la terre. Et les communautés situées dans des zones touristiques telles que Juana Vicenta (Samaná), Verón (Higuey), Juan Dolio (San Pedro de Macorís), Boca Chica (Saint Domingue) comptent des dizaines de milliers de cas semblables.
Une solution est imposible sans une volonté politique définie de l´État et une responsabilité sociale des entreprises qui, sans qu´on sache vraiment pourquoi, possèdent les titres de la terre où la majorité des familles ont construit leurs logements.
« Aujourd´hui le pays est consterné. Et cet état d´esprit envahit aussi le quotidien des fonctionnaires d´État à tous les niveaux. Mais l´idéal serait que tous ces fonctionnaires qui disposent d´un pouvoir de décision aient la volonté nécessaire pour tirer d´un évènement aussi douloureux que les morts mentionnées ci-dessus une force d´action et des politiques sociales. Ceci permettrait de donner la sécurité et de garantir la vie, la terre et un logement digne aux majorités nationales », conclut M. Franco.